lundi 1 septembre 2008

L'animation en point de vente sort du rayon

Sortir du rayon pour conquérir de nouveaux clients, telle est la stratégie à la mode. Car malgré la professionnalisation de l'activité et l'intégration d'innovations dans les points de vente, les journées d'animation restent classiques.


Parfois «considérée comme un mal nécessaire par les annonceurs», selon l'expression de Pierre-Yves Raymond, p-dg de l'agence Marque and Co, l'animation commerciale obtient de bons résultats. D'après une étude réalisée par le cabinet MarketingScan en 2005 et citée par Richard Pellet, p-dg de Stella, «les ventes seraient multipliées par neuf lors d'une semaine de tête de gondole animée pendant deux jours (vendredi et samedi) par rapport aux ventes moyennes hebdomadaires du magasin». Pour autant, Delphine Foucaud, codirectrice générale de l'agence Circular, observe que «le marché n'évolue pas vraiment en valeur mais plutôt en qualité». Les industriels, dit-elle, «portent désormais plus d'attention aux investissements et donc au ROI, et à la qualité des prestations, dont celui-ci dépend».

Ainsi, la recherche du ROI, de l'efficacité commerciale dans le point de vente d'un côté, et l'exigence des consommateurs en matière de conseil de l'autre ont contribué à la professionnalisation des acteurs du marché. La première évolution remarquable est la priorité donnée par les agences à la formation des animatrices. «Elles sont l'élément fondamental du dispositif, martèle Valérie de la Vigerie, directrice générale de l'agence Allée Centrale (filiale du groupe HighCo), c'est pourquoi la profession doit mieux les former, mieux les coacher et mieux les stimuler.» Chez Allée Centrale, on investit donc en formation sur les méthodes de vente pour permettre aux animatrices de disposer d'un vrai bagage commercial. Des sessions sont organisées une fois par semestre, au sein de l'Académie «maison», créée afin d'aider les «meilleurs» salariés à développer encore leurs compétences. Ces sessions s'ajoutent aux formations «produits» exigées par les marques.

Même discours chez Circular, où la formation est considérée comme fondamentale. Ici, les animatrices sont spécialisées par secteur d'activité: food, beauté, high-tech. Elles sont recrutées en fonction de leur affinité au produit, de leur expérience et de leur profil. Puis elles enrichissent leurs connaissances au gré des sessions. «Le consommateur attend que l'animatrice le conseille», note Delphine Foucaud. C'est elle qui vend le produit. Aujourd'hui, l'e-learning facilite l'organisation de sessions à distance.

Deuxième axe de progression, la motivation. Le travail des animatrices est soutenu par la mise en oeuvre d'un certain nombre d'outils destinés à les motiver. Par exemple, grâce à une plateforme de gestion en ligne, Allée Centrale permet aux animatrices d'être plus autonomes. Elles ont accès aux données concernant l'animation à préparer, peuvent consulter des informations complémentaires via une bibliothèque ou encore gérer leur emploi du temps. En outre, l'agence a mis en place un plan de stimulation. En fonction de leurs compétences, les hôtesses accumulent des points qu'elles dépensent en les échangeant contre des cadeaux proposés dans une boutique en ligne. Chez Promodip, Stéphanie Gresset, directrice de production, cite l'exemple de «l'incentive mis en place pour les animateurs des journées commerciales de Canal Plus: les objectifs sont fixés par jour et par magasin. Mais pour que ce genre de stimulation fonctionne, l'annonceur doit parfaitement connaître le maillage des points de vente et leur potentiel.» Cette politique de ressources humaines ambitionne de revaloriser la mission des salariés sur le terrain tout en leur offrant de nouveaux moyens pour exercer une profession, jusqu'à ici peu considérée.

DES MISES EN SCÈNE PLUS MARQUANTES

Si les professionnels évoquent plus volontiers une évolution dans les pratiques de l'animation commerciale qu'une révolution, tous s'accordent à reconnaître la montée en qualité des mises en scène. Certes, le gros des actions demeure classique. Le positionnement des marques dans leur façon de communiquer reste inchangé. Dans la plupart des cas, une animatrice est présente en rayonnage pour distribuer des bons de réduction. Car l'animation coûte cher, entre 140 et 180 euros par jour pour la seule rémunération de l'hôtesse (la moyenne serait à 160). Budget auquel il faut ajouter l'investissement en PLV, en bons de réduction, en scénographie. Comptez environ 220 à 250 euros HT par jour pour une opération basique. Un budget qui grimpe de façon exponentielle lorsque l'animation rime avec événementiel.

L'arrivée de nouveaux annonceurs a dynamisé le secteur. Ainsi, explique Pierre-Yves Raymond, «les fournisseurs de téléphonie ou d'Internet ont exprimé de nouveaux besoins auxquels il a fallu répondre, notamment en faisant appel à du personnel masculin, formé aux technologies». Car le marché de l'animation commerciale est porté par quelques secteurs d'activité: l'alimentaire, les produits d'entretien, la cosmétique et le high-tech. Le premier secteur se cantonne à des animations classiques, peu innovantes. En la matière, le must aujourd'hui est de renforcer la présence de la marque dans l'hypermarché par l'organisation de dégustations. Le secteur de la beauté reste le plus audacieux. La théâtralisation des opérations s'y développe. Les journées d'animation sont plus visibles. Ainsi, témoigne Elisabeth Exertier, directrice associée du Site Marketing, «dans le secteur de la beauté, les mises en scène sont plus appropriées aux hypers, nous observons la multiplication des podiums, des bars de maquillage, nous voyons émerger des espaces plus colorés qui s'imposent dans les allées centrales ou pénétrantes et qui gagnent donc en impact». Ces animations événementielles sont servies par la mise en place de décors très travaillés avec des stands lumineux, des sols recouverts de moquette et la mise à disposition d'une PLV de qualité. D'ailleurs, remarque la directrice du Site Marketing, «les accessoires prennent de plus en plus d'importance, les animatrices sont équipées de ceintures d'échantillons ou de pinceaux, les cadeaux remis aux consommateurs sont choisis avec soin pour rester le plus longtemps possible présents dans les foyers». Par exemple, telle marque offre une pince à cheveux, telle autre un tee- shirt fabriqué en édition limitée. Les annonceurs ne mégotent pas. Un nouvel outil, le conseil via le diagnostic, fait fureur. Fructis de Garnier réalise des diagnostics cheveux grâce à un dispositif de vidéo-microscope grossissant, relié à un ordinateur. En quelques minutes, l'animatrice peut orienter le client vers le produit qui correspond le mieux à la texture de ses cheveux.

De plus, les agences ont tendance à mixer les outils et à déployer pour une même opération à la fois des totems, un stop rayon et un stand. «La multiplication des supports augmente la visibilité», note Valérie de la Vigerie. A la fin de la journée d'animation, il est de plus en plus fréquent de laisser dans les rayons des éléments de PLV ou un écran pour poursuivre la communication. Allée Centrale propose systématiquement à ses clients de déposer un scan-coupon dans le rayon. Avant de quitter son poste, l'animatrice installe un bloc de coupons de réduction équipé d'un scan qui enregistre le trafic.

Autre tendance, l'arrivée des nouvelles technologies a permis la diversification des types d'animation et ouvre des perspectives. Grâce à l'exploitation des bases de données clients, les annonceurs peuvent désormais inviter les consommateurs à venir participer à une animation. Plusieurs dates sont proposées dans les points de vente à proximité de leur domicile. Le flyer précise la nature de l'opération (lancement de produit, jeu-concours) et les gains (bons de réduction, cadeaux). Ainsi personnalisé, l'impact est plus fort. Les écrans envahissent les points de vente et permettent aux marques de garder le contact, même en l'absence de l'animatrice, en prolongeant l'opération pendant quelques jours ou, mieux, de façon pérenne.

LE MOBILE MARKETING ÉMERGE

Même s'il peine encore à s'imposer en France, le mobile marketing fait de plus en plus parler de lui. Pour Philippe Issaly, directeur général de l'agence Créature, «Il s'agit de la seule innovation majeure».

Ainsi Créature a développé avec Nike des opérations de reconnaissance d'images. Elles s'adressent exclusivement aux adolescents ou aux jeunes adultes et permettent aux consommateurs de photographier une affiche Nike et de l'envoyer. En échange, ils reçoivent des fonds d'écran, des musiques et participent à un concours. L'intérêt pour l'annonceur est bien évidemment de collecter des numéros de téléphones porta bles avec l'accord explicite du client. «Le téléphone mobile est un extraordinaire moyen de communication pour la marque et un outil de fidélisation efficace», remarque Philippe Issaly Le principal défaut du marketing mobile est de ne pas avoir encore percé la cible des ménagères. Il souffre également de faiblesses technologiques.

Parfois, il arrive qu'il y ait des ratés, «la technologie est au point au Japon, mais pas assez fiable en France, certaines marques en ont fait les frais», résume Richard Pellet. Dans tous les cas, remarque Georges Olivereau, directeur de création de l'agence Dragon Rouge, «l'animation choisit ses armes en fonction du concept de l'enseigne ou de la marque». Pas question pour ce spécialiste de la distribution spécialisée de faire appel aux nouvelles technologies pour des points de vente estampillés «terroir» ou des marques «tradition». Mais si le secteur d'activité s'y prête, il ne faut pas hésiter à déployer des écrans LCD pour diffuser le message de la marque.

DE L'IN-STORE À L'OUT-STORE

Enfin, les professionnels mettent aujourd'hui l'accent sur les actions menées en dehors des points de vente. Premières visées, les galeries marchandes. «Depuis trois ans, nous recrutons les prospects en dehors du magasin, et les galeries représentent un excellent terrain pour déployer des théâtralisations importantes», confie Richard Pellet. Sortir du rayon pour conquérir de nouveaux clients, telle est la stratégie à la mode. Stella a ainsi organisé pour Nana une tournée dans une trentaine de galeries marchandes. Le produit, intime, est difficile à traiter. «Nous avons contourné cette difficulté en jouant sur la signature de la marque, sur le sens de la féminité, en invitant les consommatrices à participer à un jeu sur le sens de l'orientation leur permettant notamment de gagner des GPS», explique-t-il. Et, ce n'est que lorsque la cliente valide sa participation au jeu que l'hôtesse procède à la démonstration produit. Stella a également fait sortir Ricoré de ses rayons.«Lorsque la marque organise une animation avec distribution de bons de réduction en rayon, elle obtient un taux de transformation de 100% parce qu'elle s'adresse à ses clients, consommateurs de Ricoré», souligne Richard Pellet. Mais pour recruter de nouveaux clients, elle doit gagner en visibilité. Avec un stand de dégustation installé dans la galerie marchande, elle enregistre un taux de recrutement de l'ordre de 27 % par rapport à l'ensemble du trafic impacté par l'animation. Les agences utilisent aussi les escalators comme supports de communication pour annoncer l'animation et y faire venir les consommateurs. Des panneaux d'affichage sont installés tout au long du parcours et des stickers collés sur les marches. Par définition, l'animation commerciale est ponctuelle. Or, de plus en plus d'enseignes et de marques penchent vers des animations conçues pour durer. C'est le cas, par exemple, lorsque Coca- Cola investit dans l'aménagement complet des linéaires sodas à ses couleurs, car il s'approprie le territoire des soft drinks. Et également lorsque Palais des Thés reçoit chaque client en lui offrant un verre de thé glacé l'été, une tasse de thé chaud l'hiver. «L'enseigne communique autour de son concept, la convivialité, l'hospitalité héritée des traditions asiatiques», commente Georges Olivereau. La finesse de l'animation marque les esprits. Sa régularité aussi.


Source : Marketing Magazine N°124 - 01/09/2008 - Véronique MEOT

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